Décès de Christine Renon
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Toute l’équipe du SNUipp-FSU 79 a été très affectée par l’annonce du
suicide de Christine Renon sur son lieu de travail. Cette collègue
directrice d’une école dans le 93 a adressé un courrier expliquant son
geste à ses collègues, ses proches et au SNUipp-FSU de son département.
Face au silence du ministre Appel à la grèveJeudi 3 octobre,jour des obsèques de Christine Renon, rassemblons nous à partir de 17h devant toutes les circonscriptions du département, avec un brassard noir et/ou une fleur pour rendre hommage à notre collègue et signifier notre peine et notre colère. Des préavis de grève ont été déposés. Aussi, les collègues qui voudraient se mettre en grève ce jour-là seront couverts |
ATTENTION : compte-tenu des
délais, la déclaration d’intention de grève ne pourra pas être fournie
par l’administration, si vous participez à la grève de jeudi, envoyez
un email à l’IEN de votre circonscription avant ce soir minuit pour
informer que vous participerez au mouvement.
Le
SNUipp-FSU 79 soutient les collègues qui se mettront en grève le jeudi
3 octobre afin de rendre hommage à Christine Renon. Vous pouvez nous
rejoindre à Niort à la section départementale du SNUipp-FSU 79 afin
d’évoquer la situation.
Réactions et Analyses
Ces dernières années, les injonctions, les pressions se sont multipliées envers la profession. La politique de Blanquer dite de "l’école de la confiance" n’a fait qu’accélérer le processus.
La lettre que cette directrice épuisée est claire, l’institution est mise en cause dans ce geste. Le message est sans appel, ce que l’on demande aux directeurs et directrices et aux enseignant.es en général vide de sens l’essence même de notre métier "tous ces petits riens qui occupent 200% de notre journée".
Fredéric Grimault, enseignant-chercheur, répond aux questions qui lui ont été posées suite à l’article paru dans l’Humanité.
"Dans cet article, j’essaye de mettre en regard le suicide d’une directrice d’école et les logiques managériales."
Communiqué national SNUipp-FSU
Le SNUipp-FSU exprime sa peine et apporte tout son soutien à sa famille et à ses proches qui vivent une terrible épreuve, ainsi qu’à tous les personnels touchés par ce drame. Notre collègue a signé sa lettre « Une directrice épuisée. » Au-delà de la grande émotion qu’il suscite dans l’ensemble de la communauté éducative, son acte pose aussi des questions sur les conditions de travail des directeurs et directrices d’école. Leurs tâches se sont alourdies et complexifiées, les éloignant de leur mission première, à savoir l’animation de l’équipe enseignante. Les emplois d’aide à la direction et au fonctionnement de l’école ont été supprimés. Des injonctions hiérarchiques, parfois contradictoires, sans lien immédiat avec le quotidien de l’école se multiplient, entrainant une perte de sens du métier. Le manque de formation et d’accompagnement est patent, notamment dans la gestion des situations de crise. Le SNUipp-FSU n’a de cesse d’alerter sur les conditions d’exercice, le manque de moyens et l’insuffisante reconnaissance professionnelle accordée aux directeurs et directrices d’écoles. Le ministère de l’Éducation nationale doit prendre toute la mesure de la situation de l’école, apporter des réponses urgentes pour un meilleur fonctionnement et garantir la santé, la sécurité et le bien-être au travail de l’ensemble de ses personnels. Paris, le 26 septembre 2019 |
Silence on meurt (Laurence De Cock)
« Elle était solaire, c’est ce qu’un ami qui la connaissait m’a dit ». Ce soir, dans la cour de l’école Méhul, là où Christine Renon s’est suicidée ce week-end, on se chuchote entre nous ce que l’on sait d’elle. Personnellement je ne savais rien du tout. Mais « solaire » on ne peut pas l’inventer. Et alors la question qui vrille l’estomac plus encore que le dégout est assez évidente : Qu’est-ce qui est suffisamment puissant et froid pour parvenir à éteindre le soleil ? Ce ne sont certainement pas les quelques centaines de parents et d’enfants aux yeux rougis qui se tenaient là , aux visages « qui ne réalisent pas », encore hébétés par la nouvelle ; pas non plus les dignes collègues, enseignantes, enseignants, s’excusant platement d’avoir dû improviser cet hommage dans l’urgence. Celles et ceux-là, on le sent, on les connaît, ont toujours soufflé sur les braises du désir de bien faire, forcément. Ils ont fait tenir au contraire. Qui donc alors ? La réponse tient dans la si digne lettre envoyée préalablement à ses collègues ; la lettre d’une « directrice épuisée ». C’est ainsi qu’elle la signe, et surtout qu’elle signale. La réponse tient en une phrase : « Je remercie l’institution de ne pas salir mon nom ». J’ai cheminé toute la journée avec ces mots. Ce sont eux qui m’ont poussée à aller rendre hommage à une femme dont je n’avais jamais entendu parler. Parce que nous partageons cette curieuse chose : une commune institution. Le soleil aurait donc suffoqué sous les coups des salisseurs. Quelle pire souillure en effet que ces fins de non-recevoir aux requêtes, que ces réponses à peine polies renforçant le sentiment d’ invisibilité de celles et ceux qui, malgré tout, les attendent, car elles leur sont vitales ; que cette imperméabilité à l’humain de notre institution ? Devant cette école ce soir, on sent bien que notre colère latente est nourrie par une angoisse immense : qui sera le/la prochain.e ? Devant moi un jeune homme couvre ses oreilles pour ne pas entendre la lecture finale de la lettre. Il suffoque sous les sanglots au point de préférer s’accroupir. Á moins qu’il ne soit tombé. Ce sera peut-être lui, ou toi, ou moi. Car il est certain que ceux qui ont le pouvoir de salir et d’éteindre le soleil ne s’arrêteront pas en chemin. Ils sévissent bien au-delà des écoles et attaquent tout ce qui subsiste encore d’esprit public. Ringardiser les métiers non soumis à la quête de rentabilité est leur sport favori.[...] |
Ne pas se contenter d’une expression de tristesse et de compassion... (Paul devin)
Ce que nous demande Christine Renon, au travers de la lettre qu’elle écrit avant de se donner la mort, ne pourra se contenter d’une expression de tristesse et de compassion. Ce qu’elle nous demande, c’est d’entendre la souffrance quotidienne de ceux qui travaillent dans l’Éducation nationale. Une souffrance de la vie ordinaire, inscrite dans une multitude de faits que l’examen individuel pourrait considérer comme insignifiants mais dont la reconduction, l’accumulation, la persistance finissent par épuiser les personnes et par vider l’activité professionnelle de son sens, de sa finalité. Qui pourrait trouver indéfiniment l’énergie de répondre à des demandes incessantes quand il ne perçoit plus que ces demandes sont au service de ses élèves ? Occupée toute la journée à une multitude de tâches mais ayant l’impression, le soir, de ne pas savoir ce que l’on a fait, nous dit Christine Renon. Les discours communs fustigent le fonctionnaire en ressassant les préjugés de ses privilèges, de son inutilité, de son manque d’efficacité et de son coût. La respectueuse considération dont bénéficiaient les enseignants cède désormais trop souvent le pas à une remise en doute systématique de leur travail. La vision technocratique d’un management obsédé par la mesure et le contrôle submerge les directrices et directeurs de procédures, d’enquêtes, de dispositifs sans jamais s’interroger sur ce que représente, dans la réalité de leur temps de travail, l’accumulation de demandes parfois disparates ou inutilement associées à des pressions d’urgence. La demande sociale de réussite scolaire pour tous les élèves, quelles que soient leurs difficultés, est une ambition nécessaire mais, à défaut de la soutenir par des moyens suffisants, elle confronte les personnels à des difficultés parfois insurmontables et toujours éprouvantes. La lettre de Christine Renon dénonce le profond dysfonctionnement dont elle est victime mais elle est habitée d’un profond respect de tous ceux avec qui elle travaille. |